Ces dernières années, les forêts alimentaires ont fait l'objet d'une attention croissante en tant que systèmes agricoles et alimentaires durables et résistants. Contrairement à l'agriculture conventionnelle, dans laquelle les monocultures et les pesticides chimiques prédominent, les forêts nourricières offrent une approche innovante de l'agriculture dans laquelle la biodiversité et les principes écologiques occupent une place centrale. Les forêts alimentaires imitent la structure et la diversité d'une jeune forêt, combinant arbres fruitiers, arbustes, plantes herbacées et couverture végétale en différentes couches pour créer un écosystème diversifié et résilient.
Qu'est-ce qu'une forêt nourricière ?
Une forêt nourricière est un système agricole inspiré des forêts naturelles. Il s'agit d'un système stratifié de plantes qui comprend plusieurs strates de végétation, des grands arbres aux plantes couvre-sol. Dans une forêt nourricière, les plantes sont sélectionnées en fonction de leurs fonctions écologiques, telles que la production alimentaire, l'amélioration des sols, la pollinisation, la création d'ombre et le soutien de la biodiversité. Cette composition diversifiée permet à une forêt nourricière d'être autosuffisante et d'éliminer le besoin d'engrais et de pesticides.
Principes de conception des forêts alimentaires :
Les forêts nourricières sont conçues selon certains principes clés afin de créer un écosystème fonctionnant de manière optimale. Ces principes sont les suivants:
- Diversité : la recherche d'une diversité maximale des espèces végétales permet de créer un écosystème résilient et équilibré. La combinaison de différentes espèces d'arbres, d'arbustes, d'herbes et de plantes couvre-sol crée un environnement biologiquement riche qui attire les insectes bénéfiques et lutte naturellement contre les parasites.
- Stratification : la conception des forêts nourricières fait appel à différentes strates de végétation, telles que la strate arborée, la strate arbustive, la strate herbacée et la strate muscinale. Cette stratification maximise l'utilisation de l'espace disponible et favorise une utilisation efficace de la lumière du soleil et des nutriments.
- Santé du sol : le maintien et la construction de sols sains sont essentiels dans les forêts vivrières. L'utilisation de paillis, de compost et de couvre-sol améliore la structure du sol, retient l'humidité et augmente la fertilité. Cela contribue à une croissance saine des plantes et à un écosystème résilient.
- Processus naturels : Les forêts alimentaires visent à imiter les processus naturels et les écosystèmes. Au lieu d'utiliser des pesticides chimiques et des engrais artificiels, les forêts alimentaires s'appuient sur le contrôle biologique, la fertilisation naturelle et les relations symbiotiques entre les plantes et les micro-organismes.
- Adaptation locale : les forêts alimentaires sont conçues en fonction des conditions climatiques locales, de l'état des sols et des ressources naturelles disponibles. En sélectionnant des plantes qui prospèrent dans l'environnement spécifique, la résilience et la productivité de la forêt alimentaire sont maximisées. Un exemple de méthode pour y parvenir est d'observer pendant une ou plusieurs années la végétation qui pousse déjà sur le sol existant. Remplacer ensuite ces espèces par des espèces comestibles de la même famille.
Avantages des forêts nourricières :
Les forêts nourricières offrent de nombreux avantages, tant écologiques que socio-économiques. En voici quelques-uns:
- Biodiversité : en diversifiant les espèces végétales et en créant des conditions de vie appropriées, les forêts alimentaires favorisent la biodiversité. Elles abritent divers animaux, insectes et micro-organismes, renforçant ainsi la résilience écologique.
- Atténuation du changement climatique : Les forêts alimentaires jouent un rôle dans l'atténuation du changement climatique. Les arbres des forêts alimentaires absorbent le dioxyde de carbone de l'atmosphère, stockent le carbone et contribuent ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
- Gestion de l'eau : en utilisant du paillis et des couvertures végétales, les forêts vivrières aident à retenir l'eau dans le sol. Cela réduit l'érosion, améliore l'infiltration et favorise la création d’un cycle d’eau « sain » dans l'écosystème. Les forêts nourricières agissent comme des éponges naturelles, réduisant ainsi le risque d'inondation.
- Production alimentaire : l'un des principaux avantages des forêts nourricières est leur capacité à produire de la nourriture en abondance. En combinant astucieusement les plantes de différentes strates, les forêts alimentaires peuvent fournir une diversité de fruits, de noix, de légumes, d'herbes et de champignons. Elles constituent ainsi une source d'alimentation durable et locale qui réduit la dépendance à l'égard de la monoculture.
- Résilience : les forêts nourricières sont des systèmes résilients qui résistent mieux au changement climatique, aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux maladies. La diversité et la stratification permettent à l'écosystème de s'adapter et de se rétablir même après des perturbations.
Inconvénients des forêts nourricières :
Si les forêts nourricières présentent de nombreux avantages, cette forme d'agriculture comporte également des inconvénients et des défis :
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Temps et patience: les forêts nourricières mettent du temps à se développer et à mûrir. Il peut s'écouler des années avant qu'elles ne produisent une récolte significative. Cela exige de la patience de la part de l'agriculteur ou du jardinier.
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Espace: les forêts nourricières ont besoin d'un espace considérable, ce qui peut s'avérer difficile dans les zones urbaines densément peuplées ou dans les petits jardins. Tout le monde ne dispose pas d'un espace suffisant pour créer une forêt nourricière.
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Entretien: bien que les forêts alimentaires nécessitent un entretien moins intensif que l'agriculture traditionnelle à long terme, un entretien régulier est toujours nécessaire. L'élagage, le paillage et le maintien d'une biodiversité saine nécessitent du travail et du dévouement.
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Connaissances et expertise: pour réussir ce type de projet il faut d’abord avoir une connaissance approfondie des écosystèmes locaux, des espèces végétales et des interactions écologiques.
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Concurrence avec les espèces indigènes: Certaines plantes des forêts nourricières peuvent entrer en concurrence avec les espèces végétales indigènes, ce qui peut entraîner des problèmes d'équilibre écologique si elles ne sont pas gérées correctement.
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Coûts initiaux: Bien que les forêts alimentaires puissent être rentables à long terme, les investissements initiaux dans les plantes, les semences et l'amélioration du sol peuvent être élevés.
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Sélection des plantes appropriées: Choisir la bonne combinaison de plantes qui se développent dans un climat et un type de sol spécifiques peut s'avérer difficile. Des erreurs dans la sélection des plantes peuvent entraîner une baisse des rendements.
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Soin de la récolte: la récolte dans les forêts nourricières nécessite du soin et des connaissances. Toutes les cultures ne sont pas prêtes à être récoltées en même temps, et il peut être difficile de choisir le bon moment.
Il est important de noter que bon nombre de ces inconvénients peuvent être surmontés grâce à une planification, une formation et un dévouement adéquats. Si vous envisagez de créer une forêt nourricière à des fins professionnelles, il est toujours conseillé de faire des recherches approfondies et éventuellement de demander l'avis d'un expert avant de créer le projet.
Les forêts nourricières en détail:
Une forêt nourricière se compose de différentes couches de végétation qui interagissent les unes avec les autres pour former un écosystème autonome. Vous trouverez ci-dessous les différentes strates d'une forêt nourricière ainsi que des exemples d'espèces végétales applicables à chaque strate.
Strate arborée:
Cette couche est formée par les grands arbres qui dominent la couche supérieure de la forêt. Ils fournissent un abri et de l'ombre, créent des microclimats et extraient des nutriments importants du sol.
Les espèces suivantes sont des exemples de variétés pouvant être utilisées pour cette couche:
Alnus glutinosa, Betula pendula, Carya illionensis, Castanea sativa ‘Lyon’, Juglans regia ‘Broadview’, Juglans regia ‘Buccaneer’, Paulownia tomentosa, Styphnolobium japonicum, Toona sinensis, Sorbus domestica
Strate intermédiaire:
Cette couche est constituée d'arbres plus petits qui ont une hauteur se situant entre la strate arborée et la strate arbustive . Ils contribuent à la diversité de la forêt nourricière et fournissent des fruits.
Les espèces suivantes sont applicables pour cette strate ;
Amelanchier lamarckii, Corylus avellana cv, Malus domestica ‘cv’, Malus sylvestris, Mespilus germanica ‘Westerveld’, Morus alba, Morus nigra, Prunus avium ‘cv’, Prunus cerasifera ‘cv’, Prunus domestica ‘cv’, Pyrus communis ‘cv’, Prunus spinosa, Sambucus nigra, Sorbus aucuparia
Strate arbustive:
La couche arbustive est une partie importante de la forêt nourricière et se compose de divers arbustes à baies et autres arbrisseaux. Ces arbustes fournissent des fruits comestibles et contribuent à la biodiversité.
Les espèces suivantes sont applicables dans la strate arbustive :
Acca sellowiana, Arbutus unedo, Aronia melanocarpa ‘CV’, Aronia prunifolia ‘CV’, Asimina triloba, Berberis thunbergii, Calycanthus floridus, Chaenomeles japonica ‘cv’, Chaenomeles speciosa ‘cv’, Chaenomeles superba ‘cv’, Cornus kousa ‘cv’, Cornus mas ‘cv’,
Decaisnea fargesii, Elaeagnus umbellata, Lespedeza bicolor ‘Yakushima’, Leycesteria formosa ‘cv’, Lonicera caerulea 'Kamtschatica', Lycium barbarum ‘cv’, Poncirus trifoliata, Ribes ‘Josta’, Ribes nigrum ‘cv’, Ribes rubrum ‘cv’, Ribes uva-crispa ‘cv’,
Rosa canina, Rosa rugosa, Rubus ideaus ‘cv’, Staphylea pinnata, Vaccinium corymbosum ‘cv’, Vaccinium vitis-idaea ‘cv’.
Strate herbacée:
La strate herbacée comprend une grande variété de plantes herbacées, d'herbes aromatiques et de plantes médicinales. Cette couche ajoute de la saveur, des propriétés médicinales et de la diversité à la forêt alimentaire.
Voici quelques exemples de plantes:
Agastache foeniculum, Agastache rugosa, Allium ampeloprasum , Allium fistuolosum, Allium schoenoprasum, Angelica archangelica, Armoracia rusticana, Campanula latifolia ‘Alba’, Campanula persicifolia ‘Alba’, Campanula persicifolia ‘Coerulea’, Campanula rapunculoides, Campanula rotundifolia, Cardamine pratensis, Chamaemelum nobile ‘Treneague’,
Cichorium intybus, Crambe maritima, Cynara cardunculus, Cynara scolymus,
Filipendula ulmaria, Foeniculum vulgare, Foeniculum vulgare ‘Purpureum’, Galega officinalis, Glycyrrhiza glabra, Helianthus tuberosus, Hemerocallis citrina, Hemerocallis dumortieri, Hemerocallis middendorffii, Hyssopus officinalis, Hyssopus officinalis ‘Aristatus’, Leonurus cardiaca var. Labota, Levisticum officinale, Melissa officinalis,
Mentha spicata ‘Marocco’, Mentha suaveolens, Monarda didyma, Origanum laevigatum ‘Herrenhausen’, Origanum ‘Rosenkuppel’, Origanum vulgare, Petroselinum crispum, Rheum rhabarbarum, Rumex acetosa, Salvia officinalis, Santolina rosmarinifolia, Satureja montana, Symphytum officinale, Thymus citriodorus, Thymus longicaulis,
Thymus praecox ‘Pseudolanuginosus’, Thymus praecox ‘Purple Beauty’, Thymus pulegoides ‘Tabor’, Thymus vulgaris, Thymus vulgaris ‘Compactus’, Viola odorata, Viola odorata ‘Konigin Charlotte’, Viola sororia ‘Rubra’
Plantes grimpantes: Les plantes grimpantes sont essentielles à l'utilisation de l'espace vertical. Elles peuvent grimper en serpentant et couvrir les arbres et autres structures.
Voici quelques exemples de plantes grimpantes qui pourraient être utiles :
Actinidia arguta ‘cv’, Actinidia deliciosa ‘cv’, Akebia quinata, Humulus lupulus ‘Nordbeau’, Rubus fruticosus ‘cv’, Vitis vinifera
Plantes couvre-sol:
Les plantes couvre-sol sont des plantes qui permettent de réduire la concurrence avec les adventices. Elles contribuent également à retenir l'eau de pluie et à lutter contre l'érosion.
Voici quelques exemples d'espèces:
Fragaria anassa ‘cv’, Fragaria vesca ‘cv’, Galium odoratum, Mentha piperita ‘cv’, Rubus ‘Betty Ashburner’
Créer une mini-forêt nourricière en étant particulier, c'est possible?
En énumérant toutes les couches, vous avez probablement l'impression qu'une forêt alimentaire nécessitera bientôt plusieurs hectares de terrain. Mais une forêt alimentaire est aussi parfaitement possible à plus petite échelle.
Exemple pour un jardin urbain de 50 m².
Pour la strate haute, prévoyez 2 arbres fruitiers de votre choix. Pensez aux pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers, etc. Il est important de choisir des espèces autogames s'il n'y a pas de pollinisateurs à proximité. Ou bien 2 espèces qui se pollinisent l'une l'autre.
Le long des murs de votre jardin urbain, prévoyez une strate grimpante. Vous pouvez par exemple conduire une vigne le long des murs ou d'une pergola. Le kiwiberry peut également se faire une place dans votre jardin.
Pour la strate arbustive, prévoir un Prunus spinosa, Ribes nigrum ‘Titania’, Ribes rubrum ‘Jonckheer Van Tets’ et un Sambucus nigra. Si vous ne voulez pas que cette partie soit trop encombrée, faites une sélection des variétés ci-dessus.
Pour la strate herbacée, travaillez avec des plantes vivaces pour apporter un peu plus de couleur et de texture. Avec les espèces ci-dessous, le blanc et le bleu pourraient apporter un look « frais »: Agastache foeniculum, Allium ampeloprasum ‘Holmense’, Allium tuberosum, Campanula latifolia ‘Alba’, Campanula persicifolia ‘Coerulea’, Monarda fistulosa , Salvia officinalis, Symphytum officinale, Viola odorata ‘Konigin Charlotte’
Dans un coin bien à vue, parmi les plantes vivaces, Cynara cardunculus attirera l'attention. Ou encore, entre les grandes fissures du carrelage vous pourriez utiliser du thym rampant.
Complétez le tout par quelques plantes en bacs que vous pourrez protéger du gel sur une terrasse ensoleillée pendant l'hiver, comme un Poncirus trifoliata, ou aménagez une jardinière près de la cuisine avec de la ciboulette, du persil, de la menthe, du romarin,...